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La tribune de Réflexion

par Jean-Pierre MARA, Paris le 13 Aout 2013

MACHIAVEL a dit, je cite "La liberté politique n'est qu'une idée relative ; la nécessité de vivre est ce qui domine les États comme les individus. Plus loin, les États une fois constitués ont deux sortes d'ennemis : les ennemis du dedans et les ennemis du dehors. Quelles armes emploieront-ils en guerre contre les étrangers?".

Ce à quoi MONTESQUIEU a répondu, je cite "J'entends bien que vous êtes, avant tout, un homme politique, et que les faits vous touchent de plus près que les idées. Mais vous conviendrez cependant que, quand il s'agit de gouvernement, il faut aboutir à des principes. Vous ne faites aucune place, dans votre politique, ni à la morale, ni à la religion, ni au droit ; vous n'avez à la bouche que deux mots : la force et l'astuce"

En Centrafrique, Montesquieu aurait répondu « …la misère du peuple et la prédation d’Etat » car 6 mois après, les exactions de la SELEKA continuent et le pays piétine.

La démocratie a besoin de l’ordre et de la sécurité. Pour les établir, une armée structurée, ordonnée et respectueuse des principes démocratiques et des institutions républicaines est indispensable.

Pour que ces principes démocratiques et républicains prennent racine, l’armée doit avoir comme seul principe et seul devoir la défense du territoire et de l’intégrité de l’Etat qui concourent à la protection de la population de façon ostentatoire.

L’intégrité de l’Etat n’est pas un vain mot ; c’est le summum de l’action politique qui se résume en l’établissement d’un ordre, d’une continuité et d’un épanouissement des hommes politiques. Quand le Centre, la Gauche, la Droite et toutes les Extrêmes se retrouvent, c’est autour de l’intégrité de l’Etat. Quand les décisions de l’exécutif d’un Etat se conjuguent avec celles de son opposition politique, c’est autour des questions relatives à la citoyenneté et à la protection de la population. Qu’en est-il en RCA?

La réponse à cette question est négative tant l’Homme politique Centrafricain n’a pas encore intégré la protection de la population comme préoccupation; ou est la place du citoyen, celle de la jeunesse, des Femmes, et des retraités dans les faits.

De la République Centrafricaine des années 2000 à aujourd’hui, il y a lieu d’affirmer que la question militaire est l’équation que les Centrafricains n’abordent pas à sérieusement. Après plusieurs coup d’Etat, plusieurs élections dites démocratiques et des rebellions qui ont accouché le désordre institutionnel, la question militaire s’impose me semble t-il. Réorganiser les FACA est une priorité voir un motif de survie. Et ce faisant, il n’est nullement besoin de signaler en passant que le corps des forces armées a été usurpé, violé, envoyée à des responsabilités qui ne relevaient pas de son domaine de compétence ; depuis 1981, l’armée à été dévolue entièrement aux fonctions de protection du Président, qui finit toujours par utiliser des artifices anti-démocratiques pour se maintenir coûte que coûte au pouvoir, comme si seul ce dernier était tout ce qu’il fallait protéger au détriment de la population. Cette transformation à dessein des attributions de l’armée a inéluctablement mais fatalement conduit notre le pays dans la situation chronique dans laquelle nous nous trouvons : un pays sans force de défense de sécurité, un pays sans forces armées, sans ordre et sans loi ni droit.

La proposition concrète d’un plan de réorganisation et de financement du fonctionnement des forces armées devrait être notre reflexe immédiate ; formuler et négocier sa faisabilité avec à nos partenaires afin que ceux-ci puissent efficacement nous aider me semble logique. Qu’est ce nous entendons faire pour que l’aide militaire nous permette de résoudre la difficile question sécuritaire, identitaire et culturelle. Il faut noter que même si:

  • tous les partenaires bilatéraux envoient des milliers de Soldats ;
  • toutes les forces Onusiennes se regroupent en RCA ;
  • tous les milliards sont mis à disposition;

tout cela ne servira à rien si les Centrafricains ne prennent aucune initiative de proposer des plans d’utilisation et ainsi démontrer leurs capacités à formuler des schémas d’utilisation rationnelle de cet apport extérieur.

Même si les accords de Libreville ont été imposés et que l’opposition démocratique d’alors n’avait pas la main libre, elle aurait pu depuis Ndjamena faire des propositions concrètes aux partenaires régionaux et internationaux sur les modalités de la démarche de rétablissement de la sécurité et de lutte contre les auteurs de crimes contre la population.

Pour organiser une élection réellement libres, démocratique et transparente, il faut que la sécurité des personnes et des biens soient garantie et que le minimum d’infrastructures soit restauré notamment les routes pour accéder aux électeurs et la télécommunication pour communiquer ou collecter les résultats sans ambages ni cafouillage.

Tant que Nous Centrafricains ne nous donnerons pas la peine de faire des propositions concrètes pour l’utilisation des forces mises à disposition par l’Union Africaine voir même par la France, la loi de la jungle continuera à nous gouverner. Vu que la reforme de l’armée annoncée dernièrement s’est révélée être un fiasco, on est en droit si c’est encore permis en RCA de se demander comment les autorités de la transition (Présidence, Gouvernement, CNT) comptent-elles restructurer les Forces républicaines. La phrase « …ces gens-là (SELEKA) n’existent plus et il faut reconstruire l’armée centrafricaine, une nouvelle armée dénommée l'Armée républicaine de Centrafrique composée du brassage ex-SELEKA et ex-FACA » prononcé par le Président de la Transition n’inclut pas la faisabilité. Pour justifier le soutien extérieur, n’y a-t-il pas obligation de rendre public une feuille de route sécuritaire détaillant ce plan de financement et de l’utilisation des forces armées étrangères avec pour but mettre fin à l’anarchie entretenue depuis le 24 mars 2013 en République Centrafricaine ? Au rythme actuel, l’histoire gardera de la transition une mémoire plus sombre que celle laissé par leurs prédécesseurs.

On assiste au silence du pouvoir, et ceux qui ne veulent pas faire de vague manœuvrent dans les chambres sombres sans se soucier de ceux qui sont dehors, pillés, affamés, persécutés, violés, meurtris, empoilés et sans espoir ; tous les jours en Centrafrique la SELEKA a enlevé, la SELEKA a tué, la SELEKA a brûler vif ici et là-bas...

En corolaire aux positions de principe sur la finalité et l’organisation de notre système de défense, je voudrais insister sur les causes endogènes qui ont conduit le pays dans l’impasse, notamment :

  • Les mutineries et leurs conséquences, notamment l’exil des militaires qui est la cause primaire de l’alimentation des rebellions
  • L’introduction des éléments étrangers dans notre armée a partir de 2003, ainsi que la mauvaise gestion du ‘’plan de carrière’’ des fonctionnaires civils et militaires au service de l’armée, la mauvaise gestion des libérateurs ayant accompagné l’ex-président Bozizé dans sa conquête du pouvoir et l’incompétence du législatif dans la gestion du cas Baba Ladé.
  • La présence de plus de 20.000 éléments issus de la dernière rébellion dont le sentiment national reste à démontrer constitue un élément dans la compréhension de stratégie militaire mal maitrisée, situation qui ne pourra aucunement faciliter la démarche de rétablissement de l’ordre.

J’ai commencé mes propos par le postulat que l’établissement de l’ordre et de la sécurité, requiert une armée structurée, ordonnée et respectueuse des principes démocratiques et des institutions républicaines. Ce constat nous amène fatalement à signaler le manque de volonté politique des hautes autorités qui se sont succédé à la tête de l’Etat depuis 2001. Ce manque se traduit d’une part par le refus de fournir les moyens adéquats aux FACA et d’autre part par la constitution d’une garde présidentielle à coloration tribale. Pour mémoire, et pour illustrer cette situation, les libérateurs avaient massivement déserté les structures quelques mois avant le début de l’offensive de la coalition SELEKA. Aujourd’hui les beaucoup s’accorde sur le fait que ces derniers avaient intégré la rébellion SELEKA reprochant au régime défunt son ingratitude vis-à-vis d’eux. La poursuite des intérêts particuliers par les hauts dirigeants se traduisant par la corruption, la spoliation des biens, (mauvaise gestion de la gouvernance du secteur minier ou des télécommunications par ex), la gestion clanique du pouvoir (la famille, les copains se partageant les pouvoirs). Les membres du gouvernement nomment bonnement des parents à des postes dans l’administration et dans les ambassades comme le faisait Bozizé et tous ses prédécesseurs, ceci au détriment des plans de carrières et de la continuité de l’Etat. Et cela ne provoque ni indignation ni réaction ni sanction. Ces comportements de dilettantisme et de prédation participent aux facteurs explicatifs des sentiments de frustrations et du recours à la violence par ceux qui se sentent opprimés.

La question subsidiaire est celle de savoir si le Gouvernement Centrafricain est conscient que les forces armées étrangères mises à sa disposition apparaissent toujours aux yeux de l’opinion comme une force de substitution au lieu d’être des forces d’appui ? C’est cette question qui m’amène à émettre le deuxième postulat selon lequel, tant que les plus hautes autorités de l’Etat persévèrent dans la poursuite d’intérêts particuliers, l’appui extérieur ne donnera aucun effet.

Propositions politiques:

je voudrais d’abord interroger le lecteur en disant : Que faire des éléments de la SELEKA au vu de toute l’ambigüité dans la position du Chef de l’Etat de transition sur cette question ; lui qui est le Ministre de la Défense affirmait il n’y a pas plus de deux mois, ne pas reconnaitre avoir fait des promesses aux SELEKA mais déclare aujourd’hui vouloir les intégrer tous dans l’armée etc. Dans quelle armée et sur quelle base?

Au lieu du DDR, le pouvoir de transition aurait dû mettre en place une équipe chargée de l’élaboration d’une nouvelle politique de restructuration des forces de défense dès février 2013 ; Nous serons probablement en plein dans le processus de sécurisation du pays avec un tel plan qu’avec le DDR, initié par Bozizé dans une logique différente. Dans un article rendu public en mars 2013, je soulevai la question de cette restructuration des forces armées nationales en suggérant de confier le regroupement des anciens éléments FACA restés fidèles à la République à l’armée Française présente à Bangui et ceci parallèlement au déploiement des forces de la FOMAC dont on demande aujourd’hui le démantèlement par pétition. Que se passera t-il après le départ des éléments tchadiens de la FOMAC ?

Fort de ce manque de proposition de plan d’action militaire, et pour ne pas rester sur le banc des critiques stériles et des constats, voici quelques suggestions pour alimenter les idées:

1/Comment doit on structurer l’armée nationale?

La réponse est simple ; il faut budgétiser la relance de trois régions militaires dotées de casernes dont la région Sud avec la caserne du Kasaï, la région Ouest avec Caserne à Bouar et la région Nord avec caserne à Birao. L’organisation de leur fonctionnement ainsi que le recrutement par concours aussi bien que l’entrainement devra faire objet de négociation supervisée par l’ONU, l’Union Africaine et les puissances militaires qui se sont dites prêtes à nous aider. Ce faisant, nous Centrafricains paraphé la consignation des coûts et évaluer et négocier l’amortissement de ces dettes avec le FMI. Il est noté que le cantonnement des éléments de la SELEKA dans les provinces comme cela était prévu est un acte à reléguer aux calendes grecques. Par ailleurs, je mentionne que l’expérience de la FOMAC avec les informations selon lesquelles ses éléments participent aux enlèvements, font des affaires de voitures volées et de la contrebande du diamant, sont toutes des conséquences du manque de proposition de schéma clair de fonctionnement. Toutes les forces qui arriveront en RCA ne pourront travailler efficacement si les Centrafricains ne proposent pas de directives militaires de fonctionnement et de cohabitation.

2/Quel Financement et Comment Intégrer SELEKA ?

Puisque l’équipement et la formation de la nouvelle armée doit venir des partenaires, il négocié avec eux ( CEEAC, de l’Union Africaine, et des Grandes Puissances qui se disent prêts à nous aider) un financement transparent et encadré. Pour cela, il revient à la partie Centrafricaine de présenter un programme et un plan de financement de ce programme. Le Gouvernement doit pour cela créer un ministère de la Défense dont le titulaire n’est pas le Président de la Transition. Ce ministère doit avoir pour rôle l’élaboration d’une nouvelle charte de l’armée et d’un programme de formation et d’action après la période de formation. Pendant la durée de la formation, le rôle de protection active du territoire est assuré par les forces de la Coalition CEEAC, Union Africaine et Nations Unies qui s’impliquent activement dans la gestion des questions de sécurité et non de celui de l’organisation de la sécurité des membres du gouvernement comme c’est le cas actuellement.

3/Quelle devrait être la priorité du pouvoir pendant une transition?

La Rupture ! Rupture avec les accords de Libreville qui ont apporté leur part sans résoudre l’épineuse question sécuritaire. Il faut redéfinir un nouveau plan qui met la priorité sur la réorganisation des mécanismes de fonctionnement de la défense publique, sur l’organisation des structures de base. Un genre de « nouveau plan Marshall » pour la République Centrafricaine, négocié entre les Centrafricains et partenaires. Ce nouveau plan devra privilégier les infrastructures de base et la sécurité. 6 mois après toutes les tentatives d’application des accords de Libreville, la rupture et l’austérité nous interpellent quand aux quatre types de ressources à savoir:

  1. ressource naturelles que la RCA a en abondance créant de la convoitise;
  2. ressource travaille c'est à dire le nombre de personne qualitatif qui peuvent avoir une Travaille et obtenir du salaire, chose que la RCA n'arrive pas à organiser :
  3. ressource capitale c'est à dire physique (machine) que la RCA ne peut disposer que si les deux premiers sont structurées
  4. ressource d’aptitudes à diriger et prendre des risques, chose que nous cherchons désespérément depuis des années.

3/Quelle démarche de coercition pour stipuler des exemples de rupture?

Donner des signes qui feront transparaître une différence de méthode en inscrivant une lutte Anti Corruption et un vrai mécanisme de renforcement des droits de l’Homme. Or la corruption, le népotisme, le clientélisme, le favoritisme et l’injustice sont des pratiques qui sont toujours présents alors que ce sont ces mêmes faits qui furent les raisons de certains combats qui ont créé une certaine illusion qui risque de devenir des déceptions profondes. Ces maux s’ajoutent aux pratiques des éléments de la SELEKA pour diviser durablement le peuple, sa jeunesse et les Hommes politiques.

L’espoir du peuple naîtra de la mise en évidence d’une volonté politique de l’exploitation de ces quatre ressources. Tout cela devrait être motivé par une démarche fondée sur la rupture avec certaines habitudes et l’austérité dans les dépenses publiques.

Conclusion :

Après plusieurs coups d’Etat, plusieurs élections dites démocratiques, et plusieurs rébellions, la RCA piétine. Organiser des élections avant l’existence d’une force armée nationale est suicidaire et prédit la continuation d’un système voué à l’échec.

L’intégrité de l’Etat est nécessaire pour l’épanouissement des hommes politiques dans l’animation de la vie de la population. Les élections ne seront ni libres, ni démocratiques ni transparentes, si la sécurité des personnes et des biens ne sont pas garantie et si le minimum d’infrastructures n’existent.

La situation est certes très difficile pour le moment ; mais la question cruciale est la suivante : que proposons nous comme solution pour sortir de cet enfer ? Que Bozize (qui avait nargué l’union européenne avec les Seat In pendant tout son règne ou qui a fait brulé le drapeau français par ses partisans en pleine crise avant de quitter Bangui) revienne avec de nouveaux rebelles, que la SELEKA parte, que le Gouvernement soit dissout, que le pays soit oublié, tout cela ne changera en rien la condition des Centrafricains si Les Centrafricains ne proposent pas de solutions acceptées par les Centrafricains. Bozizé se permet des prises de positions simplement par ce que le gouvernement actuel ne propose aucune solution crédible susceptible de rassembler des leaders d’opinion, la population et les acteurs économiques autour d’un programme.

C’est pour cela que les Centrafricains doivent dire NON à cette douloureuse expérience et prôner la rupture avec un système qui ne se préoccupe pas du sort de notre peuple et de l’image de notre pays.

Puisque les institutions de la transition issues des accords de Libreville n’apportent de réponses concrètes aux préoccupations ci-dessus énumérées, il est du droit de tout citoyen de remettre en cause le bien fondé de leurs existences.

La rupture avec les accords de Libreville doit ouvrir la voie à une nouvelle négociation sur une autre forme de gestion de la transition politique. Cette rupture est la seule porte de sortie du désordre institutionnel et militaire actuel. Adopter l’austérité dans les dépenses est un le second facteur catalyseur de confiance aux hommes politiques.

Sans la rupture et l’austérité, nous resterons les damnés de la terre de Frans Fanon.

Paris le 13 Aout 2013

Jean-Pierre MARA

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